L’OKAJU prend connaissance du succès rencontré par la pétition publique n°3198, ayant pour objet revendiqué d’« exclure les thématiques LGBT de l’éducation des mineurs » et ne peut que souligner sa préoccupation à cet égard.
L’auteur insiste dans ses explications que « chaque famille a le droit d’aborder ces sujets selon ses propres croyances et principes », tout en spéculant qu’« il est raisonnable d’admettre que l’introduction de ces thématiques à un âge précoce risque de perturber le développement psychopédagogique des enfants ».
L’OKAJU ne saurait accepter un raisonnement allant à l’encontre de la pleine jouissance des droits de l’enfant en conditionnant l’accès à des informations objectives relatives à la sexualité aux croyances familiales, par définition subjectives et variables, voire, dans le pire des cas, nuisibles au libre développement de l’enfant. Le rôle de l’État, et de l’école plus particulièrement, ne saurait consister à former les enfants et jeunes en modulant les informations dispensées en fonction des croyances familiales, ni d’offrir une vision du monde tronquée de faits pouvant déranger certains parents. Il est nécessaire que les contenus scolaires présentent les personnes et modèles relationnels tels qu’ils existent dans la société, c’est-à-dire incluant également des personnes, couples et familles LGBTIQA+, tout comme il est nécessaire de dispenser une éducation à la sexualité inclusive et respectueuse de cette diversité.
La réalisation des revendications portées par la pétition n°3198 risquerait de porter atteinte à l’égal accès à de nombreux droits garantis à tout enfant, dont l’intérêt supérieur de l’enfant (art.3), son droit d’être entendu (art. 12) et de s’exprimer librement (art. 13), son droit à l’intégrité physique et psychique (art. 19), son droit au développement (art. 6), son droit à l’identité de genre (art. 2 et 7), ainsi que son droit à la santé (art. 24) et son droit à l’éducation (art. 28 et 29). L’ensemble de ces droits est garanti à tout enfant dès sa naissance. Le rôle des parents, comme de l’État, est d’en en garantir le plein effet, non pas de les limiter (art. 5, art. 18).[1]
Dans ce contexte, ainsi que l’a indiqué le Comité des droits de l’enfant dans son Observation générale n°20 (2016) sur la mise en œuvre des droits de l’enfant pendant l’adolescence[2] :
« 33. Les adolescents homosexuels, bisexuels, transgenres et intersexués sont souvent persécutés ; ils sont notamment victimes de maltraitance et de violences, de stigmatisation, de discrimination et de harcèlement, sont exclus de l’éducation et de la formation, ne sont pas soutenus par leur famille et par la société et ont difficilement accès aux services et à l’information en matière de santé sexuelle et procréative. Dans des cas extrêmes, ils sont victimes d’agressions sexuelles ou de viols, voire d’homicides. On a établi un lien entre cette situation et une faible estime de soi et des taux de dépression, de suicide et de sans-abrisme particulièrement élevés. (…) Le Comité souligne que tous les adolescents ont le droit à la liberté d’expression et le droit au respect de leur intégrité physique et psychologique, de leur identité de genre et de leur autonomie naissante.
(…) 59. Le Comité prie instamment les États d’adopter des politiques de santé sexuelle et procréative globales à l’intention des adolescents, qui tiennent compte des questions de genre et de sexualité, et souligne que l’inégalité d’accès des adolescents aux informations, aux produits et aux services dans ce domaine est discriminatoire.
(…) 61. Il conviendrait d’inclure dans les programmes scolaires obligatoires et de rendre accessible aux adolescents non scolarisés une éducation à la santé sexuelle et procréative qui soit inclusive, complète et adaptée à l’âge des adolescents, fondée sur des faits scientifiquement établis et sur les normes relatives aux droits de l’homme et qui ait été élaborée avec le concours d’adolescents. Il faudrait prêter attention à l’égalité entre les sexes, à la diversité sexuelle, aux droits en matière de santé sexuelle et procréative, à la question de la parentalité et des comportements sexuels responsables, à la prévention de la violence et à la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles ».
L’OKAJU encourage le renforcement des efforts fournis en matière de promotion de la santé affective et sexuelle et d’éducation à la sexualité dès le plus jeune âge, dans la mesure où ceci est crucial pour le développement de l’enfant et sa capacité à se prémunir et se défendre contre des discriminations, transgressions et abus. Il va de soi que l’éducation à la sexualité doit être dispensée de manière adaptée à l’âge et à la maturité des enfants et jeunes. C’est l’exercice auquel se consacre l’UNESCO dans ses Principes directeurs internationaux sur l’éducation à la sexualité[3], qui établissent les informations à fournir en opérant des distinctions en fonction de tranches d’âge[4].
L’OKAJU souhaite vivement que les discussions relatives tant aux thématiques LGBTIQA+ en général, qu’à l’éducation à la sexualité au sens strict, se fondent sur des éléments objectifs et dans le respect des droits de l’enfant. Les informations relatives à la diversité inhérente à l’identité de genre et à l’orientation sexuelle font forcément et entièrement partie d’une telle approche.
Il se montre préoccupé par toute tentative de restreindre l’égal accès aux informations des enfants et jeunes relatives à la sexualité au motif d’une prétendue nécessité de protection des enfants. La protection des enfants commence, bien au contraire, par une information adaptée à leur âge et à leur maturité.
Communiqué en date du 26 juillet 2024
[1] Voir dans ce contexte la récente “Déclaration du Comité des droits de l’enfant sur l’article 5 de la Convention relative aux droits de l’enfant” (11 Octobre 2023) (uniquement en version anglaise) notamment les paragraphes 9 à 11 concernant le principe de l’évolution des capacités (“evolving capacities”) et 12 et 13.
[2] Comité des droits de l’enfant, Observation générale n° 20 (2016) sur la mise en œuvre des droits de l’enfant pendant l’adolescence, 16 décembre 2016. CRC/C/GC/20 (un.org)
[3] UNESCO, Principes directeurs internationaux sur l’éducation à la sexualité : une approche factuelle. *Principes directeurs internationaux sur l’éducation à la sexualité : une approche factuelle ; 2018
[4] A ce propos, les outils pédagogiques mis à disposition par le CESAS sont également utiles : Outils pédagogiques — CESAS